Brève apologie du buveur d’étiquettes
On se moque des ''buveurs d'étiquettes''. On les méprise, on les caillasse. Qu'ils s'enfilent des vins chics, aux étiquettes sinistres ou précieuses, ou bien des vins rigolos, aux étiquettes et noms de cuvées décalés. Ne sont-ils, tous autant qu'ils sont, que de superficielles victimes du marketing ? Les veaux du vin ? En fait, non. L'étiquette est au vin ce que la couverture est au livre, l'affiche au film – sûrement pas insignifiante, déjà chargée de sens, d'intention. Un certain avant-goût.
Dieu vomit les étiquettes tièdes
Ici, on ne parle pas des vins vendus par la grande distribution. Ceux-là, à de rares exceptions près, sont tous marketés au dernier degré, insincères et insipides par principe, et n'ont pour l’essentiel que peu d'intérêt.
Non, ici, on parle des vins véritables, bollocksés mais pas botoxés, des vins d'auteurs ou de maisons un minimum sérieuses, qui ne sont pas conçus comme le premier coca-cola venu.
Eh alors quoi, ces vins de qualité (relative, diverse) devraient tous porter une étiquette frigide, effacée, sans relief, pour ne surtout pas être associés à cette bande de vins débiles, bcbg ou bad boy, qui cibleraient leur marché par l'étiquette ?
En vérité, non, surtout pas. L'étiquette est une signature, un message adressé par le faiseur au siffleur. Le goût du vin ne suffit pas, et l'étiquette doit être ce message, sincère, qui signifie l'intention derrière le vin.
Précisément parce que le vin n'est pas un simple soda, qu'il embarque un sens supérieur. Une certaine vision du bien-faire, une certaine vision du monde. Mais oui, carrément, du monde. Il dit en somme des choses que le seul goût ne circonscrit pas. Le vin qui cause liquide a donc besoin de sous-titres solides.
Alors vive les étiquettes engagées, signifiantes, qu'elles sortent du château le plus coincé ou du délire hippie-fuck le plus barré. Parce que Dieu vomit les étiquettes tièdes – toutes celles qui ne sont pas à l’image de l’auteur du vin qu’elles habillent.
Antonin Iommi-Amunategui
Photo : ''Gros Caca'', vu chez Vivant
©Vindicateur, 11/2012