Déclassez tout (seuls les hommes ont la classe)

Connaître le vin ne suffit pas. Il faut le repenser souvent, le renouveler. Se renouveler implique des sacrifices – sacrifier les rituels anciens, attardés du vin. Aujourd'hui, en France, on trouve des vins de table à 50€ et des grands crus à 5€. Certains terroirs sont exagérément mis en valeur, d'autres sous-estimés ou inconnus. Certains vins issus d'origines prestigieuses sont sans intérêt, d'autres issus d'origines méprisées sont remarquables. Le système, en général, est insensé. Il faut revoir la copie : déclasser tout. Et classer plutôt... les vignerons ? Le sol ne suffit pas   Le terroir n'est qu'un paramètre. Dont l'importance n'est que relativement fondée. Certains sont réputés à juste titre, d'autres sont réputés par principe, d'autres encore demeurent inexplorés, inconnus. A partir d'une terre remarquable, on peut d'ailleurs faire un vin piteux.   Bien sûr le terroir doit être identifié, et très précisément, mais non plus qualifié a priori. Oublions les Grands Crus, les Premiers Crus, les classements en tous genres, compliqués et parfois tordus. S'il faut qualifier, classer quelque chose, faisons-le des hommes et des femmes qui font le vin ; qui savent – ou pas – mettre en valeur le terroir qu'ils travaillent.     Classer les vignerons ?   Parce qu'à partir d'un sol peu réputé, un(e) grand(e) vigneron(ne) saura sûrement, souvent, faire un beau vin. C'est bien là, dans le bonhomme ou la femme, que réside la clef du terroir. Humbles qu'ils sont, ils répèteront à l'envi qu'ils ne font qu'accompagner la terre, la plante…   Blabla que cela : sans la main de l'homme, sans ses choix, ses initiatives, ses coups de pagaie précis dans le torrent souvent agité et piégé d'un millésime, rien de vraiment bon ne sort. La terre est là qui ne demande rien, l'homme la travaille : c'est donc bien lui qu'il faut d'abord qualifier, classer – et non pas le terroir, qu’il suffit d’identifier.     Pour un nouveau classement hyper-régional   Tous les trois millésimes, le vigneron, la vigneronne, celui ou celle qui dirige le domaine, verrait ses vins, ses réalisations, soumis à l'aveugle, à un jury indépendant, constitué d'au moins 12 personnes venant d'horizons divers (connaissant le vin, dans sa vaste variété, sans pour autant avoir besoin d'y être jusqu'au cou depuis 38 ans et demi).   Ce jury déterminerait s'il y a lieu de classer le vigneron, lequel, le cas échéant, le demeurerait 3 années, jusqu'à ce que le jury (largement renouvelé) remette son nez dans ses vins (ou dans les vins de son éventuel successeur).   Et voilà. Un nouveau classement hyper-régional, ou supranational comme on voudra, en 60 secondes chrono... Sans déconner.     Antonin Iommi-Amunategui Source illustration : JMVidéo ©Vindicateur, 03/2010