Et si la loi Evin était une bonne loi ?
La loi Evin, qui encadre notamment ''la publicité ou la propagande'' pour l'alcool, et l'interdit tout à fait à la télévision, fait régulièrement parler d'elle dans le milieu du vin. Dernièrement, un dossier mis au jour par un avocat a remis de l'huile sur le feu. Il y déduisait en particulier que ''la convivialité [des réseaux sociaux] n'est pas conforme à la loi Evin''. Drôle, bien vu, absurde comme la loi sait l'être, ça a fait jaser. Cette loi, c'est d'ailleurs un marronnier, le punching-ball préféré des commentateurs du vin. Pourtant le papier et internet lui doivent peut-être beaucoup... Cette loi ne leur évite-t-elle pas ce puissant concurrent que serait la télévision ?
L'alcool (re)mis en question sur internet ?
Le déjà fameux billet de notre avocat, maître Poulet, met en avant une affaire alcool/internet qui a directement trait à Facebook :
''En fait l'existence d'une page Facebook gérée autour d'une marque d'alcool n'est pas critiquée en soi. Par contre c'est la circulation de l'information autour de cette page qui pose problème. Qu'elle apparaisse sur le mur de l'internaute qui volontairement est sur la page ''alcool'', ou bien sur le mur des amis de cet internaute.''
''Au détour d'un considérant, les juges dévoilent ce qui pose problème : Facebook est un ''réseau social de convivialité''. Et comme on le sait, la convivialité c'est-à-dire l'échange et la communication, n'est pas conforme à la loi Evin.''
L'avocat met en effet le doigt sur un principe fondamental du réseau social, qui pourrait lui causer quelques problèmes, en tant que support de communication, au regard de la loi Evin :
''L'article L3323-2 qui autorise la publicité ou la propagande ''sur les services de communications en ligne'', sous réserve qu’elle ne soit pas intrusive, exclut toute publicité en faveur des produits alcooliques sur les sites destinés à la jeunesse, dédiés au sport et/ou à l'activité physique.''
Essentiellement viral, intrusif, très utilisé par les jeunes, Facebook semble donc pouvoir régulièrement tomber sous le coup de la loi ; et c'est probablement aux marques d'alcool, de vin, de prendre garde à cet égard. Mais pas d'amalgame : Facebook ce n'est pas internet. Ce n'est qu'un outil. L'alcool, le vin, sont donc toujours bienvenus sur internet.
La loi Evin, le bon vin lui dit merci
Sans loi Evin, pas de doute, les publicités pour l'alcool inonderaient la télévision. Mais pas n'importe quels alcools : les grands machins, les gros moyens, les bulldozers, tous ces groupes qui occupent déjà largement le terrain hors petit écran. Ce sont en effet les seuls qui pourraient se payer des spots. Et on peut se réjouir d'échapper à cela, de ne pas avoir à se coltiner encore plus de pub qu'on s'en tape déjà, dans la rue ou sur le papier, pour ce large ventre médiocre du vin.
Alors, oui, c'est vrai, au-delà de la vilaine publicité, les émissions de TV autour du vin sont rares, quasiment absentes, du PAF. Et c'est évidemment d'abord dû à l'absence d'annonceurs, à l'impossibilité de la publicité... Un mal pour un bien ? Sûrement, même si quelques émissions percent, ici ou là (sur BFMTV, Direct 8 ou France 5).
Néanmoins, ce cadre législatif, contraignant, devrait permettre à de nouveaux modèles (économiques inclus) d'émerger : sur internet et sur le papier en particulier. Ne pas avoir cette concurrence souvent écrasante de la télévision est en effet une chance pour les autres médias, dont ils ne profitent sûrement pas assez, trop occupés qu'ils sont à ferrer les gros annonceurs.
Rappelons enfin que, loi Evin ou pas, les Français restent les premiers consommateurs de vin (au monde) et de cannabis (en Europe). On sait encore faire la fête... Bien sûr, le vin ce n'est ni de la 8.6, ni un joint. Une certaine latitude publicitaire devrait probablement être accordée à cet alcool plus culturel – et précisément lorsqu’il est présenté sous cet angle (ce qui est rarement le cas, ou alors d’une manière trop superficielle pour être relevée). Il n'empêche, on l'a vu, la loi Evin a ses bons côtés – qui sont largement sous-exploités.
Antonin Iommi-Amunategui
Photo : Mike's Movie Projector
©Vindicateur, 06/2012