Le vin est-il à mourir d’ennui ?
Le vin a failli mourir d'ennui, et nous avec ! Empapaouté dans son chemin toujours le même durant des décennies, il aurait bien pu finir par s'écrouler sur le bord de la route, tandis que la bière ou le whisky auraient fait pipi sur sa dépouille vert bouteille... Mais qui donc a sauvé le vin de cet ennui fatal ? Trois hypothèses.
Les vignerons eux-mêmes
En se remettant régulièrement en question. En questionnant le sol, le ciel et la plante. En étant curieux de faire du vin autrement, mieux, ou même n'importe comment. En renouvelant le genre façon retour vers le futur. En étoffant ainsi le spectre du vin, les viticulteurs ont en effet donné un coup de jeune à cet ancêtre d'à peu près tous les alcools... Et ce sont tous les vins qui sortent grandis de cet élan généreux, même ceux qui n'ont pas bougé d'un poil depuis 20 piges.
Les consommateurs
En envoyant balader les trop bonnes manières de dire le vin, en se permettant d'être impertinents, voire irrespectueux avec lui ; en en causant de toutes les façons possibles, les consommateurs, ces amateurs de plus en plus décomplexés, ont dépoussiéré la dégustation – qui est passée d'art à... attitude ? L'improvisation a supplanté les modèles de commentaires trop formatés, et c'est la sincérité qui en sort vainqueur. On n'oserait dire : la vérité.
Les nouveaux commentateurs
Issus le plus souvent d'Internet, des grappes d'imposteurs ont endossé le rôle de commentateurs. Tout en se défendant quasi-systématiquement d'être des experts, ils ont fini par être entendus, écoutés pour ce qu'ils n'étaient pas, pour ce qu'ils ne voulaient surtout pas être : des prescripteurs.
Leurs façons singulières d'aborder le vin, parfois radicalement différentes de l'un à l'autre, achèvent en ce moment même de libérer les consommateurs, qui y perçoivent un air de liberté, une rengaine franchement grisante... Un printemps du vin ?
La question, au fond, n'est plus de savoir qui commente les vins, mais où sont les commentateurs les plus dynamiques : blogs, forums ou papier ?
Antonin Iommi-Amunategui
©Vindicateur, 11/2011