Le vin est-il de gauche ou de droite ?

Question saugrenue ? Peut-être pas. Le vin est aujourd’hui au cœur d’un enjeu d’abord politique : l’agriculture biologique. Ses partisans la réclamant de toutes leurs forces ; détracteurs et sceptiques lui reprochant d’être une mode, une tendance, et de toute façon inapplicable à grande échelle. Côté faits, des études s’accumulent qui tendent à démontrer, analyses et chiffres à l’appui, que les produits issus de l’agriculture dite conventionnelle présentent systématiquement des traces de résidus de pesticides, certains étant notoirement cancérigènes.   Une autre étude récente (Réussir Vigne, janvier 2010) a par ailleurs publié des chiffres sur la différence en termes de volumes de production entre l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique en viticulture – des chiffres favorables à la première, la conventionnelle, de l’ordre de 20 %... Seulement ! s’exclament certains défenseurs du bio.   On est loin en effet des discours laudatifs à l’égard de l’agriculture conventionnelle et industrielle qui, seule, serait en capacité de nourrir l’humanité (ou de remplir son verre, en l’occurrence). Si, comme le dit l’enquête, ''le rendement en bio est inférieur de 20 % à celui obtenu en conventionnel'', on peut légitimement se demander pourquoi poursuivre en conventionnel, en faisant courir des risques sanitaires avérés aux consommateurs ?   On serait ici tenté de répondre que c’est une question d’argent, mais cet aspect financier peut également être écarté dans la mesure où ''les charges à l’hectare en viticulture biologique sont équivalentes à celles calculées chez des vignerons conventionnels'' (Réussir Vigne). La seule différence, objective, c’est 20 % de volume de production en moins ; ce qui peut d’ailleurs être compensé par une tarification supérieure du produit fini. C’est le consommateur qui serait lésé alors ? Sauf à convenir, peut-être, qu’il vaut mieux manger 4 pommes bio plutôt que 5 pommes avec des traces de pesticides.   C’est la question politique qui se pose en réalité. Promouvoir la viticulture biologique et au-delà toute l’agriculture bio, inciter fortement les producteurs à entamer une conversion – c’est-à-dire en participant de manière conséquente aux frais qu’elle implique, est-ce bien raisonnable pour un pouvoir (quel qu’il soit) dont l’idéologie ne se réclame pas, en premier lieu, de l’écologie ? En fait, le bio et ses problématiques rentrent peut-être tout simplement mal dans un cadre d’économie de marché, où la productivité et la compétitivité sont généralement mises en avant.   On pourra ici abattre la carte de ce qu’il est convenu d’appeler le Grenelle de l’Environnement ; lequel a abouti, notamment, à la publication d’un objectif consistant à passer en agriculture biologique ''20% de la surface agricole utile en France en 2020''. Mais sachant que l’objectif intermédiaire de 6 % à l’horizon 2012 est déjà ''hors d’atteinte'' (Agriculture et Environnement, février 2010) ; 20 % en 2020 paraît tout à fait impossible. Les bonnes intentions du Grenelle ne semblent donc pas suivies de faits et de mesures à la hauteur des objectifs annoncés.   En définitive, le vin n’est évidemment ni de gauche ni de droite, mais il cristallise un enjeu politique très net, qui a trait à l’alimentation et à la santé publique : l’agriculture biologique.     Antonin Iommi-Amunategui © Vindicateur, 02/2010