Les meilleurs vignerons bio votent-ils écolo ?

Nous avons contacté les 100 meilleurs domaines (selon nos critères) travaillant en agriculture biologique ou biodynamique et leur avons soumis une simple question : traduisent-ils leur souci du vivant à la vigne par un vote en direction des partis de type écologiste dans l’urne ? Autrement dit : les meilleurs vignerons bio votent-ils écolo ? Des réponses obtenues, une cinquantaine, nous pouvons dégager quatre tendances.     Les Pro-écologistes   La première tendance, minoritaire, est celle des viticulteurs bio votant systématiquement pour des partis de type écologiste, se sentant soit tout à fait en accord avec ces partis, soit suffisamment bien représentés pour leur donner leur suffrage. C’est le cas, par exemple, aux Domaine de l’Ecu (Loire) ou Kreydenweiss (Alsace/Rhône). Ce qui ne les empêche pas d’avoir parfois certaines divergences de vues, de considérer notamment que ''l’écologie n’est pas une politique, mais une façon de voir la vie''. Généralement, ils considèrent plus simplement que leur vote doit refléter ''au moins dans les grandes lignes'' ce réel engagement que représente l’agriculture bio, et votent donc en conséquence pour les partis ''les plus représentatifs'' selon eux de cet engagement.     Les Post-écologistes   Une autre minorité, parmi ces domaines d’excellence bio, estiment que les partis de type écologiste ne vont pas assez loin. Ceux-là vont par exemple se tourner vers le Parti de la Décroissance, considérant ''qu’un glissement progressif a mené les Ecologistes vers une tendance franchement libérale, qui ne remet plus en cause les maux réels qui touchent notre société, et par conséquent notre planète. Les idées du Parti de la Décroissance sont novatrices et vont dans le sens de nos préoccupations et de notre travail''.     Les ''Oui, mais...''   Une autre tendance, à la fois plus large et plus répandue, est celle des viticulteurs qui votent pour ces partis écologistes soit ''à défaut de mieux'', soit ''au coup par coup'' en fonction des enjeux électoraux (élections locales ou européennes), mais généralement sans leur accorder leur confiance pleine et entière, et en tout cas pas de façon systématique. C’est le cas par exemple aux domaines Bott-Geyl, Causse Marines, Stoeffler, Tour des Gendres ou encore Zind-Humbrecht. La plupart d’entre eux s’accordent à penser qu’ils ne cultivent pas leurs ''vignes en bio par conviction politique, mais par un souci certain de la qualité''. Mais que, néanmoins, une ''forme d’action est nécessaire'' pour soutenir l’agriculture biologique en France. Cette action doit-elle être politique, strictement électorale ? Pas forcément.   L’associatif est une voie alternative, notamment selon Luc de Conti du Château Tour des Gendres (Sud-Ouest) : ''Le monde politique a toujours méprisé l'agriculture biologique et les hommes qui la pratiquent. Les effets d'annonces se succèdent mais la réalité est tout autre. Un exemple simple : la France est en retard sur son quota d'hectares en bio et pour cela elle se doit de la développer. Nous avons une association (Agrobio Périgord) qui depuis plusieurs années œuvre pour le développement de l’agriculture bio en Périgord. Pour cela elle est financée en grande majorité par les fonds publics. Alors que nous avions investi dans un salarié spécialisé, nous avons vu nos subventions diminuées de 30 %. Cherchez la logique dans tout ca… Nous savons aujourd’hui que le développement de l’agriculture bio ne se fera que si elle est accompagnée en premier lieu par un conseil indépendant des intérêts industriels, et en deuxième lieu par une formation accélérée. La chambre d’agriculture de la Dordogne est tenue par la FNSCEA (très à droite) qui méprise les écologistes ainsi que les syndicats qui lui sont favorables. Une fois de plus, des intérêts strictement politiques freinent le développement de l’agriculture bio.''   Le lobbying est également une solution, comme l’explique Olivier Humbrecht du Domaine Zind-Humbrecht (Alsace) : ''Là où je peux, j’essaye de faire un lobbying pour que les choix politiques d’aujourd’hui permettent un jour de pratiquer une agriculture bio concurrentielle à l’agriculture conventionnelle. Les produits phytosanitaires et autres substances chimiques dangereuses ne sont pas vendus au juste prix. Il faudrait y inclure une taxe environnementale qui permettrait de payer la dépollution des sols, eaux, rivières et les traitements contre les maladies environnementales telles que les allergies, certains cancers... Dans ce cas, les produits bio seraient vendus au même prix que les produits issus de l’agriculture conventionnelle.''   D’autres enfin visent une évolution à travers la sensibilisation et la pédagogie. Ainsi tous ceux qui ne croient pas ''aux vertus de la carotte et du bâton ; les obligations légales ou les subventions pervertissent les bonnes idées. Nous croyons beaucoup plus à la sensibilisation de proche en proche. Pour la viticulture AOC, il faut comprendre que c’est un système autogéré ; ce sont les professionnels eux-mêmes qui se donnent les règles de production. Nous devons donc influencer les décideurs de nos AOC et rechercher une évolution appuyée par la pédagogie, évoluant au grès de l’acceptabilité de nos confrères. Tout coup de barre trop violent sera rejeté''.     Les ''Non, jamais''   Beaucoup de viticulteurs à la tête de domaines travaillant en agriculture biologique ou biodynamique ne votent jamais pour des partis de type écologiste. Et ce pour plusieurs raisons ; il peut s’agir d’une défiance à l’égard des différents partis écologistes, réputés incompétents ou en décalage : ''L’écologie est l’affaire de tous et pas d’un parti, même si un parti de type écolo porte davantage le débat sur la place publique. Le problème des écolos c’est que la plupart sont des urbains romantiques et très décalés par rapport à la réalité quotidienne des métiers en rapport avec la nature''.   D’autres éprouvent de la sympathie pour ces partis, mais ça s’arrête là. Ainsi Evelyne de Pontbriand du Domaine du Closel - Château des Vaults (Loire) : ''Non je ne vote pas écologiste. Je pense cependant que les Verts ont posé les bonnes questions et je leur en suis très reconnaissante. Je n’ai pas encore rencontré d’homme politique vert qui m’inspire suffisamment confiance pour lui donner mon vote.''   D’autres enfin, peut-être plus nombreux qu’on pourrait le penser a priori, ont des convictions politiques différentes, parfois tout à fait libérales, et cultivent en agriculture bio pour des raisons de qualité, strictement, en déconnectant totalement ce type d’agriculture de toute forme de ''récupération politique''.     En guise de conclusion   Le nombre délibérément restreint de domaines interrogés nous interdit toute forme de synthèse statistique généralisée sur les éventuels rapports entre agriculture bio et politique. Toutefois, les tendances dégagées à partir des réponses obtenues donnent un tableau intéressant sinon instructif des liens qui existent - ou pas - entre ces deux formes d’expression proches, par la priorité qu’ils donnent au vivant, que sont l’agriculture biologique et la politique écologique.     Antonin Iommi-Amunategui © Vindicateur, 10/2009